vendredi 12 novembre 2010



Je sais ! Vous voulez (chers inconnus) un extrait de La Mistoufle.


Chez Edilivre


(et chez tous les libraires en ligne, AMAZON, CHAPITRE, ALAPAGE, etc)


"Le métro ! La première étape se situait du côté de ce boulevard Blanqui… Ce 13e me procura beaucoup d'émotion, surtout à la station Glacière. C’était jadis le quartier de mon père. Lui dans les nuages, moi en banlieue : la Glacière ne voulait plus rien dire. Tout de même ! Y venir avec mon paquet ! L'éditeur en question était un libraire devenu éditeur. J'avais déjà connu ce genre de plaisanterie. Je ne voulais plus vivre ça : le patron qui vous reçoit dans l'arrière boutique, qui vous corrige une page en même temps qu'il commande de la bière au supermarché et qu'il licencie un vendeur indélicat… Je ne le voulais plus ! Parce que j'avais déjà été édité ! Deux fois ! Et chez des lapins de ce pruneau ! Quelle horreur ! Je raconterai cela ! C'était deux ans plus tôt, rue des Ecoles… Là, au printemps 99, je cherchais justement autre chose, du solide, du professionnel. Là, dans ce quartier qui me tarabustait, celui de papa, je tombais encore sur un libraire à vocation d’éditeur… Bon, j'entre. Avec mon gros paquet collé au ventre, on me voit venir de loin. La fille soupire à son comptoir. Ce patron, comme celui de la rue des Ecoles, fait dix mille choses primordiales dans le même mouvement, hyper actif au-delà du raisonnable. Déjà, à l’évidence, ma première étape est vouée à l'échec, mais je ne peux plus reculer. Je n'ai pas le temps de me réorganiser, de choisir une autre adresse en remplacement de cette librairie à vocation d’éditrice. D'avoir l'air aussi abruti, je vous jure, à quarante ans ! Elle demande : c'est pourquoi ? Mais elle sait. Je lui donne le pavé, donc un demi millier de feuilles bourrées dans une enveloppe qui menace d'exploser. L’air accablé, elle prend l’objet. On vous répondra, ceci cela, dans trois mois, patati patata, et qu'il faut mes coordonnées à l'intérieur. Elles y sont ! L'éditeur qui, par malheur pour lui, voudrait vraiment me joindre, pourrait me contacter même sur Vénus ! Par Internet ou porteur à cheval ! Pas de tracas ! Il n’aurait pas le prétexte de me juger injoignable… Au fond de la boutique, le patron qui téléphone à cinq personnes en un combiné aigu, me lorgne de coin. Qu'est-ce donc ? Un si gros paquet ? Les coordonnées, oui, oui… Trois mois de délai, oui, oui… Je suis déçu. Enfin, je ne pouvais plus reculer. Dehors, le cœur gros, je quitte ce quartier pour n'y plus retourner, sauf pour rechercher le paquet, d'ici peu, disons trois mois, oui, oui…"

vendredi 5 novembre 2010


EXTRAIT DE LA MONEDA (EDITIONS LE MANUSCRIT)



Dans mon appartement, j’avais un vieux tourne-disque. En signant le bail, on m’avait recommandé le silence presque complet sous peine d’expulsion. Ce soir-là, après le départ d’Yma et la remarque de la danseuse, je ne pus résister à l’envie de faire tourner la musique. Adolescent, dans la maison banlieusarde de mes parents, j'écoutais du rock’n’roll pour effrayer le voisinage. Les années avaient passé. Le rock’n’roll avait fondu. Je n’avais plus de voisinage à provoquer ou effrayer mais un nouveau voisinage dont il fallait se méfier. Chaque jour en apportait une nouvelle preuve. N’empêche que je mis un disque. Le mambo m’évoquait Yma. Elle était partie depuis moins d’une heure, j’oubliais déjà ses traits. Peintre, je n’eus peint que le ciel, et encore, un ciel sans nuages. Yma avait des yeux verts. Dans certains pays, elle eût été exhibée sur des podiums, à cause de sa peau troublante et de ses yeux enchanteurs. Dans certains pays, ils n'avaient jamais vu de femme comme elle : brune mais pâle, pâle mais foncée. La difficulté du peintre ! Poserait-elle nue pour moi ? Je ne connaissais rien à la la peinture. Il y avait une solution plus simple, la photographie. Cette idée de nudité à photographier me conduisait encore plus profondément dans certaines interrogations : était-elle une sale petite fasciste ? J'espérais qu’elle ne fût pas totalement une fasciste en herbe. Bien sûr, les militaires n’avaient pas tous le bras tendu, même dans notre pays, et les filles de militaires... Ne m’avait-elle pas dit qu’une branche de sa famille venait d’Allemagne et une autre d'Italie ? Alors, tout correspondait. Je me révoltais : non ! Une sale petite fasciste ne m’étreindrait pas comme elle en était capable, avec liberté, gourmandise pour la liberté… Elle m’avait dit, un soir, que son père respectait les conventions, la constitution, les institutions, les réglementations démocratiquement établies… J'en avais mal au crâne et ça gâchait la soirée du dimanche : yeux verts, épaules tranchantes, peau brune mais pâle. Sur les podiums, en Europe… Poserait-elle nue ?


jeudi 4 novembre 2010

Oh, camarades ! Un extrait de mon roman :

BIENVENUE A SARKOLAND

(titre largement utilisé depuis et dans tous les domaines, mais dont je revendique la paternité)

EDITIONS LE MANUSCRIT

(disponible dans toutes les librairies en ligne, pardon pour cette précison déplaisante mais nécessaire)

"Elle reprend, manchette avant, manchette arrière, jambe tendue dans les gencives de l’adversaire, kung-fu dînatoire… Ah ! Ah ! Elle s’épuise toute seule, sans l’aide de quiconque. Alex reste ébahi. La musique, pauvrette et saccadée si l’on devait en juger dans un autre contexte, devient tambour de la guerre avec les mouvements d’Ambre. Génération désenchantée… C’est une chanson magnifique, qui dit les choses… Ambre répète le refrain et combat toujours plus fort. Alex se met dans l’angle, car un coup de pied tendu est si vite parti… Pour Ambre, cette chanson, voilà le sommet de l’écriture musicale et littéraire. De toute façon, elle ne connaît rien d’autre. Les vieilles lunes ne l’intéressent pas.

- On va de l’avant, souffle-t-elle les poumons en feu, on ne regarde pas en arrière. Vous êtes avec nous ou contre nous. On a l’avenir dans les yeux. Etes-vous d’accord, Alex ?

- Je suppose, mais je n’ai pas voté pour…

- Vous faites bien d’être avec nous. Au fait, c’est quoi, cette fameuse idée ?

Alex cherche ses mots, mais elle a déjà repris le combat et il comprend que l’explication tomberait à plat et même la gênerait dans ses gestes. Ce sera pour une autre fois. L’équipe autorise Ambre à pratiquer son sport chaque soir, car le Grand Patron n’est pas ennemi de l’effort physique. Lui même, s’il tient cette forme éblouissante… Dans le temps jadis, on restait des heures à table, on traitait les affaires politiques et les affaires sentimentales dans les restaurants bourgeois, tandis que gonflaient les ventres et se vidaient les cartes bleues. Aujourd’hui, l’abonnement à une salle de gymnastique vide la carte bleue autant que les meilleurs tables mais les ventres et les artères se trouvent mieux, allégés.

- C’est gratuit ici ! précise Ambre lors de son break, en buvant son eau vitaminée. C’est l’un des nombreux avantages de notre fonction. Vous imaginez, ici, dans cette ville, l’accès illimité et gratuit à une salle de sport… C’est dingue."