mardi 28 février 2012






NOUVEL EXTRAIT DU "VOYAGEUR (MICHEL A DISPARU)"




ROMAN PARU CHEZ EDILIVRE EN 2011







Tandis que nous devisons, le philosophe a rencontré le concierge et nous sommes invités à pénétrer dans le hall. C'est immense, c'est tout blanc... Ma parole ! Voilà l'ambassade des nuages ! Je comprends : le peuple bohémien vit dans la marge et dans la boue, alors il veut sa revanche, il veut son ambassade en plumes de colombe ! Notre cher professeur nous serre la main :




- Je vous quitte, mes amis. Heureux de vous avoir rencontrés.




- Vous ne restez pas afin de savoir si nous touchons au but ?




- Quel but ?




- Retrouver enfin le petit Michel !




- Ah oui, certes... Mais j'ai des copies à corriger et il est tard. J'apprendrai dans la presse le succès de votre... mission.




Il sort. La porte se referme. Un homme en blouse arrive jusqu'à nous, qui sommes plantés dans ce hall comme des parapluies sur un porte-manteau. D'emblée, je n'aime pas tellement cet échalas ricanant.




- Je suis le professeur Blanche, chuinte l'homme tout en os. Vous allez me raconter votre histoire, tranquillement, longuement, nous avons tout notre temps.




- Excusez-moi, ne sommes-nous pas dans l'ambassade de Bohème ?




- Ah oui, l'ambassade... Si vous voulez. En fait, il s'agit d'une clinique, un établissement de soin spécialisé dans la psychologie, les troubles psychologiques, mais vous pouvez nous l'appelez «ambassade» si ça vous chante.




Non, cela ne nous chante pas. Je comprends un peu tard que nous avons été livrés par ce Judas de philosophe. Gustave est furieux et je sais qu'il prépare ses poings, à l'intérieur des poches de sa veste.




- Je vois que vous avez chacun une petite valise, indique le docteur Blanche, c'est parfait. Nous avons tout le nécessaire ici mais c'est bien que les patients disposent de quelques effets personnels. Vous verrez, nous sommes le meilleur établissement de Paris, et situé dans un beau quartier !




Soudain, aux quatre coins paraissent des hommes, aussi vêtus de blouses rouges, l'air renfrogné de tous ceux qui appartiennent à un service de sécurité. Nous n'aurons pas le dessus. Toute la rage liée à l'injustice de notre situation ne suffira pas à repousser les costauds décidés à nous ligoter. Après, ils nous injecteront toutes les solutions possibles, les somnifères qui nous transformeront en araignées et les excitants qui nous changeront en crapauds. Qui contrôle les méthodes thérapeutiques de ce genre d'établissement ? Allez ! Nul doute que le maire, le député et le préfet sont membres du conseil d'administration. En général, on découvre vingt ans après la fermeture définitive des portes d'un tel établissement que les placards et la cave regorgent de cadavres mutilés dont on ne pourra plus jamais restituer l'identité. La fosse commune ! Je n'ignore pas que la bourgeoise fait ses affaires en secret. Et nous sommes dans son temple, sur ses terres ! Comment se défendre ? Oh, je n'avais pas prévu de me faire piéger de cette façon... Inutile de tergiverser : j'ai des responsabilités vis à vis de mon principal collaborateur, qui ne doit pas subir les conséquences de mes erreurs de calcul. Seigneur qui n'existe pas ! Comme j'ai été naïf ! Croire qu'un professeur de philosophie pouvait nous aider, et même payer les onéreux petits cafés ! Enfin, l'heure n'est pas à l'établissement du bilan de notre aventure, pas encore. J'avais pourtant expliqué les choses, j'avais dûment argumenté et lorsque je parle haut et fort, que je déclame mes convictions et le but de ma mission, je peux être moqué parfois, susciter la colère en certaines occasions, ne pas être cru même si je ne mens jamais, ne pas être compris même si nous parlons tous la même langue, mais pris pour un fou ! Jamais ! Je ne supporte pas cette idée.




- Veuillez nous suivre, susurre l'ambigu docteur Blanche.










mardi 20 décembre 2011

Amis, frères et soeurs, mes camarades : un nouvel extrait du Voyageur 2 (La rivière des morts). c'est mon cadeau de Noël, mon bisou incandescent.



Voyage 3



Impasse



je me fais violence pour conserver, malgré mon humeur, ma voix d'encre. Aussi est-ce d'une plume à bec de bélier, sans cesse éteinte, sans cesse rallumée, ramassée, tendue et d'une haleine, que j'écris ceci, que j'oublie cela. Automate de la vanité. Sincèrement non. Nécessité de contrôler l'évidence, de la faire créature.



René Char



Feuillets d'Hypnos



Au réveil, elle est blonde tartinée. Je ne déteste pas cela, au contraire. Ce n'est pas sans me rappeler la Constance Hardy d'autrefois qui, même dans les matins gelés, portait la beauté en forme de croissant chaud. Pour mon compte, avec du café et des résolutions, je suis prêt à défier le monde. Je me sens capable de retrouver son légionnaire même sur la banquise. Elle s'amuse de cet enthousiasme matinal et juvénile.


- Et alors, monsieur le voyageur, de quel côté allons-nous déployer nos ailes ?


- Au village natal d'Ernest. Tout est parti de là. Aucun légionnaire n'échappe à cette malédiction d'être marqué au fer rouge par les souvenirs heureux d'un monde gentil qui s'est englouti.


- Mais, son village natal... C'est très loin !


- Je sais. Nous voyagerons. En avion, si vous préférez.


- Je préfère.


Voilà ; je me dérouille les jambes. Le goût de la course à fond les gaz me revient doucement. Oublié l'hôpital ! Et je ne suis pas mécontent de sortir de nos frontières pour mener un combat continental. De toute façon, Ory a beaucoup d'économies. Elle est disposée à dépenser son argent sans compter pour réussir son pari. J'appelle l'aéroport et je réserve deux places dans le prochain vol.

jeudi 8 décembre 2011

OUVRIERS !




Il est dit que le Front national est le premier parti politique chez les ouvriers, devant la droite républicaine et la gauche en troisième position. C'est une honte. Je veux bien qu'on soit déçu par la droite et la gauche, mais est-ce une raison pour tomber dans l'extrême droite ?




Je dis aux ouvriers qui votent ou s'apprêtent à voter pour le Front national qu'ils trahissent la mémoire sociale de la France. Ils trahissent les anciens qui ont mené les combats pour obtenir la dignité. Par manque de réflexion, par facilité, ils trahissent tout ce qui a fait l'histoire du monde ouvrier.




Que les ouvriers tentés par l'extrême droite arrêtent de croire que les émigrés sont la cause de leurs problèmes. C'est faux et c'est stupide. Qu'ils se souviennent que l'appartenance à leur classe sociale signifie la solidarité et le mouvement collectif.




Qu'ils se souviennent qu'à aucun moment, jamais, l'extrême droite n'a été du côté des ouvriers, si ce n'est pour les trahir et les frapper (milices à la solde du patronat pour briser les grèves, Cagoule, ralliement au gouvernement de Vichy, OAS). Ouvriers, vous n'avez rien à gagner dans cette aventure tragique.




Il faut se ressaisir et retrouver les valeurs de solidarité et de fierté de soi-même qui ont toujours caractérisées le mouvement ouvrier. Et voter à gauche car on peut reprocher tout ce qu'on veut à la gauche, mais c'est votre famille. On ne trahit pas sa famille.





Eric Lebreton

mercredi 30 novembre 2011

Voyage N°11, extrait

Veinards ! Un nouvel extrait du Voyageur, épisode 2, La Rivière des morts.


Rappel : disponible chez Edlivre et les bonnes librairies en ligne.



Je n'aurai pour tout dire


Ecrit sur mon chemin


Que mon incertitude


la buée qui recouvrait la vitre


Et peut-être la vitre


Mais jamais la fenêtre


Et jamais le chemin



Paul Vincensini



Pour tout dire



Tout de suite, je remarque tous les arbres rouges caché derrière le premier baobab. Nul doute que nous venons de pénétrer en République Terra Sanguina.


- Patron, en est-on si sûr ?


- Les arbres ont des reflets rouges, et des feuilles de larmes sèches. C'est caractéristique. Tu peux me croire.


Le vrai voyageur doit intégrer la botanique et la géologie dans sa réflexion générale, combien même il a été et reste le plus nul des scientifiques. Le minimum est de noter la couleur des choses afin de savoir sans quel pays nous sommes. Nous parlons beaucoup, ce qui nous permet d'oublier à quel point nous avons maintenant faim et soif. De fait, la savane s'éclipse définitivement ; le petit chemin se rétrécit. La végétation tropicale nous enserre à chaque mètre parcouru, à chaque pas un peu plus. Et la gorge nous serre, entre la peur et l'excitation, car ce pays est en guerre.


- En guerre contre qui ? Nous ne sommes pas concernés !


- En guerre contre lui-même et, dans ce cas, nous sommes tous concernés.


Je ne crois pas si bien dire. Ici, la guerre civile perdure depuis des décennies, depuis que les anciens colons ont fui en laissant tout pourrir. Et ça ne s'arrange pas.



mercredi 16 novembre 2011

Ce que j'aimerais, c'est qu'une lectrice (ou future lectrice) accepte de poser ici, avec un extrait du roman Le voyageur, ilustré par cette photo. Lectrice, future lectrice, ci-dessous un extrait de La Mistoufle pour vous enccourager à vous porter candidate.



"Elle comprendra sûrement que gagner vraiment, pour moi, ça veut dire vivre ensemble. Ce serait notre victoire de la Gauche à nous. Ce genre de mirage, j’en suis coutumier. À cette époque, par exemple, je crois utile de noircir du papier. Je peins l’Afrique dans un roman furieux. Elle, les copains, tout le monde sait que les heures gâchées chez moi, dans l’ancienne soute à charbon devenu bureau à hauteur des pieds des passants, sont vouées à l’échec. Personne n’ose le formuler clairement. Mais, le 10 mai au soir, qui parle d’échec ? Oh ! le ciel parle d’échec ! Ce soir, il ne cesse de flotter, à minces giclées ou grosses flèches empoisonnées, ça tombe radicalement. Poser nue, vivre ensemble, séduire un éditeur, changer la vie avec la Gauche, ça tombe drôlement".



Extrait La Mistoufle


Eric Lebreton


Edilivre 2008

mercredi 26 octobre 2011

Record du monde



Le record de méventes est toujours d'actualité : 2 exemplaires de chaque "voyageur"... je remercie ses nombreuses personnes qui ont pris soin d'éviter d'acheter un de mes livres, ce en quoi la société les félicite et les encourage.






vendredi 2 septembre 2011

Extrait : Le voyageur, épisode 2, la rivière des morts



Expulsion



Voilà ; je n'ai plus rien à dire ni rien à déclarer. Je voyage maintenant les deux mains dans les poches, avec un tout petit bagage, pas encombrant. Ou plutôt, je ne voyage plus.


Henri Calet


Le tout sur le tout


Le juge de Bobohokeur grimpe sur son piédestal dès l'aurore. Pourtant, la coulée orangée sur le décor n'incite pas à évoquer la mort. Néanmoins, nul doute que nous sommes dans le collimateur, ici à Bobohokeur. On nous extirpe de la geôle, sans politesse. On nous presse. On nous pousse vers le tribunal situé de l'autre côté de la rue. Gustave voudrait un bon breakfast, et je l'approuve. Ce sera pour plus tard. Breakfast à Bobohokeur, ce serait bien, limpide, charmant comme d'aller voir la mer un dimanche matin. Mais la mer est loin d'ici, de cet endroit terrible qui ne connaît jamais la pluie. Le juge a mis une perruque blanche, façon ancienne colonie impériale. Je me dis : emmenés derrière la palissade, douze balles... Qui protestera ? Les deux flics nous regardent méchamment. Ils espèrent que le juge dira : emmenez-les derrière la palissade...